Des devoirs envers les animaux ou un droit des animaux ?

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Le syntagme droit des animaux a un sens équivoque, car on ne sait si le complément du nom (le génitif : des animaux) est sujet ou objet. La situation est la même que quand, par exemple, on parle de la crainte de Dieu : est ce que c'est Dieu qui craint quelque chose (voix active) ou est ce que c'est Dieu qui est craint (voix passive) ?

Dans l'affaire qui nous occupe : est-ce que, relativement à leur droit, les animaux occupent une position passive ou active ? Il s'agit par là de formuler des choix théoriques, mais aussi pratiques : soit de limiter l'emprise humaine sur les animaux, par exemple en devenant végétarien, en militant contre l'abattage industriel, en protestant contre des conditions d'élevage intensif et de maltraitance intolérables ; soit de les reconnaître et de les instituer comme sujets de droit – les deux termes de l'alternative n'étant d'ailleurs pas antithétiques, mais pouvant se compléter.

Dans ces conditions, nous pouvons imaginer un débat qui opposerait deux grands philosophes : un grec, comme Épicure (vers 341-270 av. J.-C.), et un moderne, comme Emmanuel Kant (1724-1804).

Dans la « Doctrine de la vertu » de la Métaphysique des mœurs, Kant exprime son admiration envers son prédécesseur Leibniz (1646-1716), qui affirmait qu'il n'y a pas d'âme sans corps et qui attribuait ainsi une âme aux animaux, à l'infortune desquels il était particulièrement sensible. Il confie avoir souvent, lorsqu'il était enfant, secouru délicatement des mouches prises, comme il arrive, au piège d'un verre d'eau ; les mettant au sec, il s'émerveillait de voir que, petit à petit, tandis qu'on les aurait crues mortes, elles reprenaient vie, puis s'envolaient de nouveau.

Kant, qui connait cette anecdote, la juge tout à fait admirable et loue la très haute valeur morale de son illustre prédécesseur. Il affirme qu'un tel comportement témoigne d'une rare humanité, Leibniz montrant selon lui s'être cultivé lui-même en s'élevant au plus haut degré de son humanité, sans se préférer à nul vivant, pas même à une insignifiante mouche.

Questions

  • Le souci d'une mouche peut-il manifester l'excellence morale d'un être humain ?
  • Peut-on retourner son argument contre Kant lui-même : si le souci du vivant élève un être humain ; si la maltraitance des animaux dégrade un être humain ; ne peut-on pas dénoncer un argument inacceptablement « anthropocentré » ?
  • En quoi consisterait un respect indéfectible de l'animalité de l'animal ?

Pour aller plus loin

  • Sur la représentation de l'animal : le film Flow, de Gints Zilbalodis, 2024 : une autre représentation de l'animal à comparer avec la représentation anthropocentrée des films de Walt Disney, par exemple Les Aristochats.
  • Sur le perspectivisme et la représentation : le point de vue n'est pas dans l'esprit, il est dans le corps : E. Viveiros de Castro, Le Regard du Jaguar, éd. La Tempête, 2021. 

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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